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Tenner²
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Tenner²
2 décembre 2005

Untitled (honestly, I just can't...)

"... et je souhaiterais revenir sur les considérations concernant le Lexomil. Je désire souligner le caractère extrêmement addictif du bromazepam et des benzodiazépines en général. Il y a 8 ans, j'ai décompensé sur un mode sur un mode anxieux et dépressif une personnalité de type border line. Je me suis vu prescrire un antidépresseur (Séropram), un neuroleptique (Tercian) et une benzo (Lexomil). J'ai très rapidement pris goût au soulagement rapide que m'offrait le Lexomil pour finalement développer une véritable toxicomanie sur un mode binaire (le plaisir et le soulagement). Durant trois 3 ans j'ai essayé une trentaine de psychotropes toutes classes confondues (neuroleptiques, antidépresseurs, anxiolytiques divers  (Atarax, Equanil...) dont benzo, thymorégulateurs, somnifères "stater", antihistaminiques pour leur vertus hypnotiques (Téralène, les initiés comprendront...). Mais à chaque fois rentrait dans la composition de mon menu journalier une benzo, différente selon la période concernée (Xanax 0.5, Tranxène 10, 50, Victan, Lexomil, Temesta, Lyxanxia, même Valium..).

Ainsi j'ai pris durant 8 ans quotidiennement des doses massives de benzodiazépines, d'abord parce que la tolérance s'est très vite installée chez moi et puis parce que j'ai développé en quelques mois ce que les médecins et les psychiatres nommaient une toxicomanie médicamenteuse. A la grande époque, je prenais jusqu’à 16 barres complètes de Lexomil par jour, 250 à 300 mg de Tercian (ces doses-là s'adressent généralement à des schizophrénies), un antidépresseur (je sais plus lequel: il y en a eu tellement). Comme cela ne suffisait plus (et oui la tolérance toujours la tolérance), j'ai commencé à prendre des opiacés (codéine, codéthyline). Ainsi, je pouvais avaler presque deux boites de Codoliprane par jour (une trentaine de comprimés, réparties dans la journée par poignées de 6). Je devenais donc dépendant à deux types de molécules, essayant de trouver, en vain, un équilibre entre les deux, avec une surenchère quotidienne et les désordres constants qu’un tel mélange peut produire sur le comportement, l’humeur, le sommeil, l’alimentation et la concentration.

La dépendance au benzodiazépines m'a valu d'ailleurs plusieurs traitements en psychiatrie (qui est un véritable enfer, soit dit en passant). Me croira qui voudra mais le sevrage des benzos allait jusqu'à des douleurs physiques. Durant deux semaines, un verre d'eau et je dégueulais, des douleurs et des contractures musculaires à leurs paroxysmes ce qui m'a valu plusieurs shoot de lepticure (une fois, 3 en une soirée pour débloquer mon cou), une angoisse viscérale de chaque instant me donnant aucun répits, implorant à genoux pour en avoir "juste un, juste un..., juste un... ". Et quand j'essayais de me sevrer moi même : delirium! Et échec bien évidemment ... Compenser l'arrêt des benzos en augmentant les doses de codéine, c'est faire un pacte avec le diable. J'ai foutu en l'air ma vie professionnelle, n'ai réussi à tenir matériellement que grâce à la compréhension de mon employeur, perdu quasiment tous mes amis de l'époque.

La codéine que l’on trouve en vente dans les pharmacies sans avoir à fournir d’ordonnance est un opiacé qui est utilisé essentiellement et dans l’hypocrisie générale par les héroïnomanes en manque de poudre. Il est « déconseillé » d’en absorber plus de six comprimés par jour, dose que je multipliais aisément par cinq.

Le nombre de pharmacies est impressionnant et assez élevé pour me convaincre que je ne me faisais pas repérer quand je débarquais avec la gueule cadavérique une ordonnance à la main. Pareil pour me ravitailler en codéine (elle est en vente libre lorsque un certain seuil n’est pas dépassé).

Jusqu'au jour où j'ai  enfin mis un terme à ce cirque au prix de souffrances psychiques, psychologiques et physiques (dépression, fatigue, déni de soi, perte totale de confiance en soi, en les autres et en la vie), et une prise en charge hospitalière qui m'a totalement isolé du monde pendant quatre mois. Pendant cette période en psychiatrie, je n’ai souhaité aucun contact avec mes connaissances, la plupart d’ailleurs ignorait totalement ce que je faisais réellement.

La sortie, je l’appréhendais et le sevrage n’arrangeait rien à l’anxiété. Celle-ci d’ailleurs n’a pas complètement disparu : les réveils se font dans la sueur froide, le ventre tordu de douleurs dues aux angoisses matinales, qui devraient continuer pendant encore quelque temps.

Aujourd'hui encore je ne comprends pas ce qui s'est passé durant cette période, et les souvenirs de ces mois de transition ne sont que des flashs. Les trois années précédentes se perdent dans un brouillard et une mélasse indigeste. 

Je dormais 5h par nuit durant 1 an sans aucune fatigue le lendemain mais dans un état d'excitation important. Il m'aura fallu 3 mois non pas pour revenir à la normale mais apprendre à gérer le quotidien. Retourner au travail après quatre mois d’absence (plus de six mois au total), affronter le regard des autres, réapprendre à tenir une journée sans avaler des calmants, mentir sans arrêt sur ce passage de mon existence. Je suis sous contrôle permanent, oscillant entre phases de surexcitation et de fatigue.

Chaque jour m’éloigne de ce calvaire que je m’étais imposé en espérant pouvoir faire abstraction de mon enveloppe corporelle et calfeutrer mon esprit dans un coton protecteur. Il n’y a pas de solution miracle au mal-être, à la carence en affection ou au manque de confiance en soi. Ce que l’on comble artificiellement d’un côté vous tire davantage vers le fond de l’autre dès que l’effet anesthésique disparaît. On reste hermétique aux injonctions et mises en garde, bien que l’on sache pertinemment que l’on a développé un sérieux problème d’assuétude. Nier la lourdeur et la souffrance générées par les assauts contraires de l’âme et du corps par des substances artificielles correspond à faire deux pas en arrière quand on pense en faire un avant ; chaque jour m’éloignait davantage de l’ataraxie à laquelle j’aspirais, chaque nuit apportait son lot de cauchemars que tout mon être absorbait inlassablement pour les vomir dès que j’ouvrais les yeux.

Je ne sais pas où j’en serais si je n’avais pas réussi ma cure de désintoxication. Je serais sans doute coincé dans un engrenage sans fin, un peu plus bas et un peu plus mal. Mon médecin addictologue m’a dit récemment qu’il craignait pour ma vie lors des derniers mois avant ma cure (insuffisance respiratoire due aux benzos, malaise, chute, etc…).

Aujourd’hui je ne suis plus à convaincre sur le pouvoir addictif des benzodiazépines, et je regarde cette période, en particulier les trois dernières années avec un mélange d’amertume, de remord et de tristesse. Je me suis enfin convaincu sincèrement du caractère nocif des drogues vendues sous ordonnance. Toutes les certitudes et affirmations sur le sujet ont complètement été remises en case.

Et pourtant, il en faudrait peu pour que la petite boîte vert anis me séduise à nouveau. D'ailleurs pour tout avouer je n'ai jamais oublié le goût quasi imperceptible mais si marquant du Lexomil."

J'ai fait le yo-yo avec mon corps, pouvant monter jusqu'à 80 ou descendre à 55 kg pour 1m80. Désordres de l'alimentation, digestions déséquilibrées, anorexie, boulimie, focalisation sur un seul aliment pendant deux semaines, puis un autre,  je ne pouvais plus manger à cause des vomissements. Je me suis mis également à fumer des cigarettes régulièrement, alors que cela ne m'apportait aucun plaisir et me stressait davantage. Sans oublier que je ne supportais pas l'odeur du tabac dans l'air, sur mes vêtements, dans ma bouche, sur mes doigts. Je pouvais dormir 3 heures par nuit pour me lever dans un état de fatigue totale et m'endormir au bureau, devant les clients ou les collègues, dont certains se sont faits une joie de le faire savoir à qui voulait l'entendre. Je pouvais également rester plus de 48 heures sans sortir de mon lit et ne me lever que pour me ravitailler en munitions médicamenteuses, pensant que j'évacuerais ainsi ma fatigue. Le réveil était tout aussi impossible et j’attendais le soir avec impatience.

Ma peau devenait grise, verte par moments, je n'étais plus que cernes, toutes les douleurs mémorisées par mon organisme se réveillaient sans avertissement. Quand je grossissais, je prenais du bide, flasque, quand je maigrissais, le bide restait sur des canes difformes.

Obtenir des benzos était devenue une de mes principales préoccupations. Je me suis rendu compte que c’était assez facile d’en avoir légalement, à Paris du moins, en prenant rendez-vous chez plusieurs médecins différents dans la semaine, en particulier dans les centres médicaux, où la consultation se transforme facilement en visite chez l’épicier : on vient avec sa liste de courses et on en sort avec une ordonnance. Il s’agit ensuite de ne pas se faire repérer par la Sécu en ne renvoyant pas les feuilles de soins. Quand on a une vie qui se limite à la prise de benzo (puisque rien d’autre ne compte), on a suffisamment d’argent pour se payer les boîtes de médicaments à moins de 5 Euros pièce sans avoir à demander de remboursement.

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